La fabrication du feutre L'art du feutre est principalement lié à la vie des nomades d'Asie Centrale pour le quotidien et l'usuel comme pour le rituel et le magique. Les fibres de laine ont la propriété de se souder ensemble sous l' action de l'eau savonneuse et des traitements exercés sur elles. Finement cardée, la toison laineuse est gorgée d'eau savonneuse pour être foulée, frappée, roulée, déroulée en quelques heures, une surface unifiée, le feutre, naît, nappe de fibres entremêlées en une intimité inextricable, véritable textile "non-tissé". Opaque ou transparent, lourd ou léger selon l'épaisseur des couches de laine superposées, ce feutre est alors mis en forme, plie, plissé, torsadé. Jeu permanent sur le temps et l'espace, espace imaginaire, le feutre devient épiderme, support d'empreintes, de signes, d'écritures La matière laineuse est travaillée, des formes nouvelles naissent, résultat d'un geste, d'un moment.
On ne saurait comparer le feutre au tissage. Le tissage peut se faire jour après jour ; il s'inscrit dans le temps, dans le rythme, dans le va- et - vient régulier de la navette des fils de trame entrecroisant les fils de chaîne. Le feutre, enchevêtrement de fibres laineuses, se fait en une fois et dans la totalité de sa surface. On ne peut le remettre au lendemain car la sédimentation des fibres entremêlées ne se ferait plus. Le tissage prend du temps, le feutrage est un art du présent, il plonge dans l'informulé et dans la poésie. Sans endroit ni envers, sans haut ni bas, sans début ni fin, sans verticale ni horizontale, sans chaîne ni trame, le feutre est un. Françoise Ducret, Octobre 2009
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