biographie

Luc  Millet est peintre et en tant que tel, s'intéresse avant tout à la picturalité et à la plasticité du tableau. Délaissant toute volonté narrative, il fait appel au geste, à la couleur et à la matière dans leur expression la plus simple pour créer une œuvre instinctive, faite pour émouvoir et provoquer des réactions sensibles.

Profondément engagé dans son travail, Luc Millet ne développe aucun discours théorique quant à sa démarche. Ce que l'on peut nommer une nécessité intérieure, alliée à une fascination constante envers le processus de création de l'œuvre en lui-même le poussent à se confronter à la matière, à faire corps avec elle, cherchant l'équilibre entre tension et relâchement.

Luc Millet peint sur papier marouflé sur bois. Il travaille debout dominant physiquement son support. Ses tableaux, carrés, peuvent être minuscules ou monumentaux. Quel qu'en soit le format, le peintre y définit systématiquement un cadre sans lequel il ne saurait commencer à travailler. Conçue comme la frontière délimitant le territoire encore vierge qui va recevoir la matière, cette bordure, repeinte en blanc une fois le tableau achevé, semble avoir pour but de contenir la charge d'énergie qui préside à la conception de l'image.

Celle-ci apparaît grâce à des passages successifs de jus colorés, de frottements destinés à ôter la peinture que le papier n'a pas encore absorbée, et à des grattages, inscrits dans les parties les plus riches en matière des œuvres. La bande blanche camoufle les débordements du geste, dissimule les coulées, tout en soulignant le mystère du jaillissement de la lumière là où il n'y avait qu' une page immaculée.

La peinture tout en transparence que nous propose Luc Millet est le fruit d'un lent travail d'épure qui conduit l'artiste, qu'on a pu auparavant rapprocher d'Aleschinsky et du mouvement COBRA, à alléger ses compositions, à privilégier une matière fluide et de subtiles variations colorées qui aboutissent à des images solaires, porteuse d'un indéniable flux vital.

Gaelle Duhazé

extraits

Ce qui frappe d'entrée dans les œuvres de Luc Millet, c'est d'abord leur format : le carré, et puis cette zone blanche : « le territoire d'approche ». Sorte de marge de sécurité avant de pénétrer plus avant dans l'œuvre, ce no man's land exige le dépouillement du regardant.

Où commence donc la peinture ?Pour Luc  Millet, il ne serait en tous les cas question qu'elle se termine au bord. S'agissant d'une répulsion quasi-physique, Luc Millet doit pour faire œuvre supprimer l'une des contingences matérielles de celle-ci : son format.

Il nous faut être donc très attentif à cet autre territoire sensible : la lisière de la peinture. Elle est comme une ligne fictive entre le ciel et l'eau.

Naissance de la peinture : elle révèle les premiers gestes. Les premières impulsions, les premiers jets.

Miraculeusement sauvegardée des autres vagues de travail, menacée d'être recouverte par  la blancheur du territoire d'approche, il nous apparaît guère étonnant que Luc Millet dans son atelier, nous montrant ses toiles non encore marouflées, nous parle avec émotion de ces premières traces,  de ces empreintes de doigt, au bord, à la lisière.

Sortant des limbes, la peinture peut alors apparaître.

Souvent au départ, il a la volonté d'imprimer une marque, un signe qui par un long travail d'enfouissement, de passage, de vagues successives de fond, va disparaître pour de nouveau réapparaître par grattage, essuyage, frottage. La peinture de Luc Millet est une longue déposition de minces strates ou plus exactement, une incessante activité de flux et reflux, chaque mouvement de marée, laissant sur l'estran du papier, ces signes et traces indélébiles.

C'est un long travail d'immersion pour faire remonter à la surface la pêche miraculeuse car apparaît ici un signe reconnaissable entre tous : le poisson.

Mais ce signe n'est pas de l'ordre du symbolique, il n'y a pas de référence extra picturale. Il agit et fonctionne non pas comme une image narrative, ni même comme une écriture plus ou moins spontanée.

Ce signe renvoie à la peinture. Point

Tout se passe comme si Luc Millet n'avait rien à ajouter, tout étant déjà  là, dans la richesse de la profondeur de la peinture. L'humilité de Luc Millet est de  toujours se situer en retrait, de se méfier des profusions d'informations, pour restituer ce qui est pour lui l'essence de la peinture.

Il, devient ainsi évident que Luc Millet ne puisse concevoir son acte de peintre que comme une opération de soustraction.

Cette «paternité inexpliquée » lui échappe. Comment un peintre aujourd'hui parviendrait-il à créer un systèmes de signes à même de représenter des idées qui ne soit pas une écriture, et sans recourir à l'image narrative ?

Le long travail des fonds, la volonté d'imprimer d'une marque, un signe, l'enfouissement, la remontée par grattage, l'apparition de signe à nouveau,  la volonté de ne plus avoir de volonté, se soustraire, tout cela est de l'ordre de l'Épiphanie.

Les toiles de Luc Millet sont des Épiphanies. En cela, même s'il s'agit d'un truisme, elles célèbrent l'énigme de la   visibilité : la Peinture.

« L'éternité ?

c'est la mer alliée

Avec le soleil "

Arthur Rimbaud

Bernard Briantais

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