septembre 2005

Nu dans un espace public

On est surpris que dans un monde impudique, provocateur voire vulgaire à force d'objets de désir, mis en images, en scènes ou en musique, les installations de Spencer Tunick puissent provoquer les réactions indignées de bonnes gens criant à l'attentat : pudeur bafouée, atteinte à l'intégrité, violence gratuite...

Sans doute, Spencer Tunick invite-t-il les figurants de ses installations à franchir une limite, mais plus que celle convenue des bonnes moeurs, c'est plutôt le mur d'air qui nous sépare de ce qui nous est extérieur.

Formidable expérience pour les participants. Par dix, par cent, par mille , ensemble, ils mêlent leurs corps nus au corps nu de la ville, à celui d'un désert, d'une forêt... Ils se détachent l'espace de quelques minutes à peine de leur "moi", de leur "je" , ils sont le paysage, ils sont le tout.

Il faut beaucoup de confiance en soi, d'amour du beau, de désintéressement, pour s'en remettre ainsi à l'autre, à son talent, à sa mesure.

J'aime les images de Spencer Tunick , j'aimerais plus encore participer à l'une des magnifiques fêtes humaines dont il est le créateur. Avec Spencer Tunick , et c'est sans doute le plus dérangeant, le paradis ne dure pas l'éternité, il tient dans moins d'une demi-heure. L'artiste trace ainsi la ligne de crêtes de bien des utopies.

Catherine Plassart

 

Né à Middletown, New York, en 1967, Spencer Tunick vit et travaille à Brooklyn, New York. Depuis 1992, il a réalisé plus de soixante-cinq installations éphémères et in-situ, aussi bien aux Etats-Unis, au Canada, qu'ailleurs dans le monde. Ses installations les plus récentes se sont déroulées au Baltic de Newcastle (2005), au MOCA de Cleveland (2004), à l'Institut de Cultura à Barcelone (2003), pour la XXV Biennale de Sao Paolo (2002), à SITE Santa Fe au Nouveau-Mexique (2001) et à la Kunsthalle de Vienne (1999).

http://www.artsversus.com/spencertunick/

Figurant :

C'était à Fribourg en 2001. Jean-Claude Péclet était au nombre des centaines de figurants autour de Spencer Tunick. Il raconte :

"Cinq heures moins dix. Rue de la Grand-Fontaine, une prostituée finissant sa nuit regarde en biais ces automobilistes qui se garent n'importe où et ignorent ses services. Nous allons juste nous déshabiller, Madame. Oui, tout nus, devant l'hôtel de ville de Fribourg. Mais pourquoi donc ? Bonne question. Bien sûr, il y a le prétexte artistique de la photo. Le festival du Belluard a invité Spencer Tunick, dont les images de foules anonymes et dénudées étalées dans un environnement urbain acquièrent, depuis quelques années, une notoriété mondiale. Les esprits interloqués bricolent des comparaisons : étal de boucher, camps nazis ou, au contraire, ondes apaisantes du body art dans un monde d'angles droits. Mais les images de Tunick dégagent un mystère qui dépasse ces références. Un mystère qui tient à l'expérience elle-même.
D'où ce petit sac à la main pour ranger en quelques minutes chemise, jeans et slip. Des papillons au creux de l'estomac ? Sans doute : oser montrer son corps en public n'est pas évident. Mais ouf, des groupes discutent déjà autour de la place. Dix personnes à poil, ce serait de l'exhibitionnisme ; à partir de cent, le monde bascule. L'aube, aussi, rassure. La ville déserte appelle les apparitions fantasmagoriques. Nous ne faisons que passer - enfin, ceux qui arrivent de l'extérieur comme moi, deux fois anonymes comme ces gymnasiennes de Sarnen, les rescapés de la Gay Pride de Sion. Mais les autres, les Fribourgeois ? Leur courage est double, chapeau à vous Madame, la patronne du café voisin qui avez participé. En attendant que le jour perce les nuages menaçants, voici un petit feuillet à lire et à rendre signé, si nous voulons recevoir une copie de la photo. "Je soussigné, [...] certifie être âgé de plus de 18 ans, [...] que mes représentants légaux ou mes héritiers abandonnent et renoncent à toute plainte, action et poursuite pour blessures physiques, dommage à la propriété, décès, perte d'emploi ou autre inconvénient [...]." Spencer Tunick est américain, l'avions-nous précisé ?
Nous sommes maintenant quatre cents environ, instinctivement regroupés en cercle au milieu de la place tandis que Tunick décrit au mégaphone les trois poses différentes qu'il veut photographier. "Où range-t-on nos vêtements ?" demande une voix. Six heures dix, tout s'accélère. Debout au fond de la cour, nous nous déshabillons en hâte, courbés tous ensemble, comme pour ne pas avoir de geste à regretter ou balayer d'avance toute tentation voyeuriste. D'où ce choc : en relevant les yeux éclate l'incroyable ondulation de nos quatre cents corps descendant la place sur les pavés froids. Moment jubilatoire, des gens applaudissent, d'autres rient.
Surpris, je réalise que j'avais craint une danse grotesque de chairs roses et trop nourries. Grâce au léger hâle estival et à la lumière bleutée du moment, cette foule en marche, complice et bon enfant, est plutôt belle à voir. Un agent en gilet orange nous fait traverser la route devant un trolleybus dont le conducteur aura eu la vision de sa carrière. Première pose, allongés sur une rue en pente, "vivants, mais comme si vos muscles vous avaient lâchés" . On s'allonge délicatement, les pavés sont décidément frais. Ma tête hésite entre les pieds du voisin, zut, un mégot juste à côté. Décalons un brin. "Don't smile - ne souriez pas", répète le photographe. Les visages doivent regarder ailleurs que vers l'appareil, tout bijou, toute paire de lunettes est proscrit. En marche vers la deuxième pose. Concave et étroite, la ruelle jonchée de corps évoque immanquablement un charnier, sauf que nous sommes trop propres, trop vivants. L'intérêt de la mise en scène vient précisément de ce décalage. Pour l'instant, une préoccupation plus terre à terre l'emporte. Une bruine froide se met à tomber, les muscles incontrôlables tressautent contre la pierre froide. Transis, quelques-uns abandonnent. Les autres se retrouvent pour la dernière image sur la place de l'hôtel de ville. A vrai dire, on n'a pas le temps de voir grand-chose, ni même de réaliser ce qui se passe. La pose aura duré moins d'une demi-heure. Au moment où Spencer Tunick libère ses modèles, seul un audacieux ose se jeter dans la fontaine de la place, les autres se rhabillent sagement et rapidement, après une ovation libératrice. "

Jean-Claude Péclet dans Le Temps , Genève

Lu dans le Courrier International

Spencer Tunick en France

La Biennale de Lyon est l'occasion pour l'artiste Spencer Tunick de créer sa première oeuvre en France.

 
Dans le cadre de la Biennale d'art contemporain de Lyon, Spencer Tunick réalise une série d'installations

Dimanche 11 septembre 2005, il vous offre l'occasion d'y participer. En échange de votre participation, vous recevrez une édition photographique à tirage limité de l'installation. Les participants seront nus un court instant seulement. L'installation aura lieu quelles que soient les conditions climatiques.

 

Spencer Tunick créé des installations temporaires et in-situ à l'intérieur même du paysage de nos vies. Avec l'aide d'une poignée, d'une dizaine, d‘une centaine ou parfois d'un millier de volontaires, l'artiste capture sur photographie des moments éphémères qui se déroulent rapidement. Documentées à l'aide de films et vidéos, les installations — toujours spécifiques aux lieux qui les accueillent — de Spencer Tunick ne requièrent pas seulement une très grande organisation : ses participants doivent également faire confiance à l'artiste et à son mode de collaboration. Les volontaires qui acceptent de poser arrivent à une heure fixée à l'avance et se débarrassent de leurs vêtements. Avec l'aide de son équipe, Tunick organise alors les participants en groupe qu'il positionne comme il l'entend avant de fixer ce moment sur pellicule.

extrait du communiqué de presse de la Biennale de Lyon

Biennale d'art contemporain de Lyon du 14 septembre au 31 décembre 2005

 

 

Empire des signes :

Jean-Noël Bachès "Empire des signes" n° 41 , 2005 - Acrylique sur papier, marouflé sur toile, 120 x 150 cm

Partant du principe que tout accord entre le réel et la peinture ne peut être aujourd'hui que de convention, il s'agit de penser ce que peut la peinture dans un monde qui ne nous est pas accessible à priori.

L'espace nous échappe, le temps aussi. Que valent causes et conséquences ?

Et une esthétique de l'imitation...

Il ne reste plus qu'à épuiser le champ des signes. Fin de la peinture donc ?

Bien sûr que non !

Il s'agit plutôt de s'accoutumer à cette idée, plus très nouvelle, que désormais tout se joue pour le peintre dans un espace choisi et non plus reçu, ou admis tacitement.

Dur labeur cependant, longue tâche qui ouvre des perspectives infinies. C'était déjà la leçon de Kandinsky il y a presque un siècle. C'est encore celle de Bachès, "l''inactuel".

Exit enfin la correspondance entre sujet et objet de la peinture.

Exit l'idée même de sujet et celle d'un monde commun.

Et paradoxalement : multiplication des signes, libération d'un langage autonome, renouvelé, vif.

Cela nous change des jérémiades sur la fin de l'Homme, la fin du désir de peindre, etc...

L'idée de fin tout simplement est absente de ce travail.

Renversement de la perspective enfin.

Se dire que nous sommes au commencement.

Que nous sommes bien définitivement un commencement. C'est cela. Bachès nous reconduit à la joie des commencements.

Par delà toute nostalgie romantique et toute mélancolie vaine.

Pierre Givodan
voir aussi : Jean-Noël Bachès sur ce site
 
Printemps Laure :

Digitale

Combien ton nombre

Pourquoi autant de doigts

Qui se plaisent à l'ombre

Tes feuilles peuvent-elles servir à l'écrire

Quand entre nos doigts

Tes fleurs éclatent de rire

Printemps Laure

extrait de Le coeur Potemkine, un recueil de poésies de Printemps Laure

Le corps de la ville :

La vie appartient aux corps. Les corps appartiennent à la vie.

Ainsi abandonnés sur le pavé froid des villes, les corps sont réduits à une vie végétative, à des sensations immédiates.

Les corps nus dans la proximité les uns des autres sont mis en danger.

D'eux s'élève, imperceptible tel le murmure d'une source, le chuchotis d'une prière muette. Il occupe le grand silence de la ville qui prend corps dans son gigantisme et sa nudité propre.

C.P.

 

Mundo viejo, tierra nueva :

"Mes origines basques et chiliennes ne sont sûrement pas innocentes dans mon œuvre : Le voyage, l'errance, les bateaux et chevaux. Le passeur qui transporte le message d'une rive à l'autre et qui fait passer la «tradition », mot qui veut simplement dire transmettre.
En Amérique latine, il n'y a pas eu de révolution, seulement des révoltes, ce pourquoi dans l'art il y a une continuité. Une forme n'anéantit pas la suivante, seulement l'additionne. Le passé, l'histoire n'est pas un poids contre lequel il faut toujours se battre en le rejetant.

Alors vous voyez comment dans mon travail une référence très libre à la mythologie côtoie une exécution plus contemporaine où l'importance de la couleur en tant que tache, tache colorée séparée souvent du trait, de la ligne, sont les signes caractéristiques de ma peinture. "

Alfredo Echazarreta juillet 2005

Alfredo Echazarreta expose à partir du 8 septembre, jusqu'au 8 octobre 2005 à la galerie Le Soleil sur la place 4, rue Antoine de Saint Exupéry à Lyon

 

La compagnie de Vénus :

" Etre dans la compagnie de Vénus depuis une dizaine d'années, m'a mise dans celle des peintres qui, par leur peinture ont apporté un peu de joie, de paix et de consolation, un peu de tendresse et d'humour aussi à partager : celle des nabis, celle de Matisse. Plus loin de nous, celle de Boticelli, de Giotto par exemple... Il me semble nécessaire de savoir répondre à la violence du monde par autre chose que son reflet exacerbé. C'est le message de Vénus.

Lorsque je regarde mes tableaux, je vois bien qu'ils interrogent notre mémoire. En simplifiant disons que la mémoire a deux versants. Le premier, celui du malheur tourné vers la barbarie, l'anéantissement, l'appel sans espoir. Le second côté orienté vers le bonheur, l'harmonie, la recherche ardente du beau.

On peut passer de l'un à l'autre. Lorsque cela est venu dans ma peinture, je n'ai pas boudé l'événement et l'avènement de Vénus. "

Marie Sallantin
septembre 2003

 

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