TEXTES & CRITIQUES

 

biographie

 

Fabrice Rebeyrolle

Vanitas 1 - 2 - 3
Triptyque, huile et goudron sur toile 20 x 20cm 2009

Le saisissement et la fureur

…Dans l’atelier de Fabrice Rebeyrolle – véritable laboratoire du docteur Faust - la poussière a recouvert les monceaux de livres. Un crâne est resté abandonné sur le côté. Le sablier ne sait plus reconnaître la flèche du temps qui l’animait… Impavides jusqu’à leur propre négation, les Vanités affirment que le rêve d’infini est illusoire. Œuvres humaines, trop humaines, art qui observe l’art d’une orbite au regard sans état d’âme, elles affirment leur appartenance à une durée infime….

…Ce message d’une fin du temps, les Vanités de Fabrice Rebeyrolle donnent à le voir sans faux-fuyants, dans une musique aux harmonies inspirées par la pure vision. Une constellation de crânes virevolte dans l’espace caverneux de la pensée que leur voûte construisait autrefois. Cimentés jusqu’à faire corps, nés du jour, du feu, du ciel – de l’enfer ? -, solitaires toujours, objets foudroyés, ils errent, uniques symboles d’eux-mêmes, ne délivrant d’autre message que leur seule intransigeance, opiniâtres, peu désireux d’en découdre, tout juste attentifs aux explosions florales de quelque guerre aérienne oubliée…

Philippe André janvier 2010

 

 

Fabrice Rebeyrolle

"Neiger de blancs bouquets d'étoiles parfumées"
L'adieu à l'atelier de Massanes
Techique mixte - soie et hibiscus sur panneau 150 x 185 cm 2007

 

Dans la fleur, le secret

"...Nait ainsi un ensemble d' Etranges fleurs appartenant aux deux périodes, des deux ateliers. De l'une à l'autre, celui-ci a été plié et déplié. A la charnière, un grand tableau Neiger de blancs bouquets d'étoiles parfumées, tel un retable a reçu la moisson desséchée du souvenir. Herbacées, hibiscus, feuilles et pétales, bribes de notes d'atelier, tous traces tangibles du jardin abandonné, enfouis dans l'épaisseur d'une matière composite : acrylique, huile, soie, suie... Le recouvrement nécessaire tempère la force presque primitive et désespérée des objets de la nature tout comme des traces de mémoire qui crèvent ici de place en place la « peau de la peinture ». Ils s'effritent toutefois au pourtour du support rongé par les intempéries. Le récit de l'intime qui perce, quant à lui sera toujours protégé par le sceau du secret..."

Catherine Plassart
dans  "D'étranges fleurs "
catalogue Galerie Anne-Marie Degrelle 2009

 

 

Fabrice Rebeyrolle

«  Passages » exposition Cloître Saint Louis d’Avignon mars - avril 2009

 

Cette matière que l'on dit brute.

La terre avec ses frontières aquatiques, c’est d’abord l’affaire de Fabrice Rebeyrolle. Aux horizons de son atelier, les vastes étendues limoneuses livrées aux caprices de l’hydrologie inspirent ses motifs. Son imaginaire les abstrait ; la pratique picturale dont il se réclame sans détour les contraint dans l’espace bidimensionnel de la peinture. Vient enfin le temps des « relevailles » du panneau où, fermement ancré par le marouflage, le paysage figuré vient se rabattre dans la verticalité, fait tableau. Ce motif se décline en « suites » (celle-ci s’intitule À fleur de terre), au gré des compositions, des supports (tension de la toile, frissons du papier), des matières-couleurs terreuses ou calcinées, mais d’autant plus musicales et nuancées : tonalités désaturées des bleus, des ocres, parfois des roses… Toutes assourdies par l’argenté du gris. Selon l’éclairage, la lumière joue de manière changeante, diffractée par la granulosité des surfaces, le relief des encollages et des couches superposées. Une semblable économie gouverne la ligne, incisive et structurante, qui sillonne à grands tracés - dynamique des obliques ou apaisement des horizontales - les « chemins de glaise» que ce peintre épris de mots, trace dans ses tableaux, selon des « lignes d’erre », au bord de « terres obscures », sous des « ciels de terre » plombés. À voir cette imagerie, on imagine Fabrice Rebeyrolle, récoltant la glèbe pour des œuvres futures : cueillette tactile en devenir, materia prima. Ainsi la peinture conjugue tous les gestes de son « fabricien », ceux de sa pratique artistique comme ceux, banals en apparence, du quotidien. Création à l’exemple des démiurges qui, selon les grands mythes façonnèrent l’homme dans la boue. Hymne à la Terre-Mère.

Claude Frontisi
in catalogue «  Passages » exposition Cloître Saint Louis d’Avignon 2009

 

 

Fabrice Rebeyrolle

Sans Titre
Huile et pigments  sur toile 152 x 138 cm 2001

 

La lente remontée des images

"...Durant plus de 20 ans, mon engagement dans l'abstraction m'a permis de faire cohabiter la dimension physique et la dimension spirituelle de la peinture.

La répétition et l'exploitation d'un vocabulaire - le savoir-faire - m'ont toujours semblé être le grand danger  de la création.

Il y a quelques années, j'ai eu l'impression que je faisais des peintures qui n'étaient plus qu'objets et matériaux et je me suis demandé si ma peinture n'était pas définitivement verrouillée.

Le tableau était alors devenu un accroc dans le vide, sous le signe du recouvrement, pour ne pas dire de l'enterrement..."

"...J'ai ressenti le désir de transformer cet "indifférencié", de redéployer mon espace pictural, tout en conservant l'austérité, la gravité philosophique de l'abstraction, mais en l'ancrant différemment dans le réel : écouter autrement le battement interne du tableau..."

"...Représenter le corps, l'anatomie humaine a évidemment à voir avec l'anatomie de la peinture elle-même.

Cette représentation du corps naît du corps du tableau, de l'expérience d'un présent absolu.

Le corps traité comme matériau - forme viscérale du désir - a généré des images souvent insaisissables parce que ce sont des images d'ordre métaphysique qui trouvent leur place entre déconstruction et construction.

Toucher, être touché, bâtir une icône porteuse à la fois de sa présence et de son absence, à la fois masse et ombre, une intenable figure du danger.

Il s'agit d'une vision primitive qui servirait moins à exalter la beauté servilement que de traverser sans complaisance la part maudite qui sommeille en nous. Ceci ne va pas sans une dimension tragique. Gagner une intériorité nouvelle contient toujours une prise de risque..."

Mais il y a une inquiétude, celle que la peinture ne serait que discontinuité.

Fabrice Rebeyrolle
Extraits de notes d'atelier - 2001