Pointe-sèche
Outil dont se serve les artistes pour graver une plaque de métal; par extension, le terme désigne le procédé qui découle de l'utilisation de la pointe ou même l'épreuve imprimée qui en résulte. Les premiers graveurs en taille douce utilisaient un burin, qui demeura l'instrument de prédilection de la gravure classique et académique. Le burin creuse le métal plus ou moins profondément en enlevant un copeau de forme triangulaire. Les arêtes des tailles ainsi formées sont donc vives, et le trait, une fois imprimé, est pur et sec. Pour creuser le métal, l'artiste doit appuyer assez fort, et son geste est soumis à la nécessité de travailler lentement dans un mouvement relativement lent et régulier. Une telle technique, portée à sa perfection au cours du XVII ème siècle, entravera la liberté et la spontanéité des artistes des siècles suivants. La pointe sèche pallie ses inconvénients : au lieu d'enlever le métal, elle ne fait que l'égratigner, repoussant plus ou moins sur les arêtes des tailles deux reliefs hérissés d'aspérités minuscules appelées barbes. L'artiste peut alors soit ébarber sa planche et obtenir un effet plus proche de celui du burin, soit conserver les barbes qui retiendront l'encre de chaque côté des traits, formant ainsi, à l'impression un halo plus doux autour de chaque ligne, comme si l'on avait imprimé sur du papier buvard. Si les tailles sont très rapprochées, l'encre contenue dans les barbes peut se confondre et former des taches très noires, impossible à obtenir avec le burin, où chaque taille est bien distincte des autres. Mais le principal avantage de la pointe sèche est de fournir aux artistes une grande liberté d'écriture, car le mouvement de la main est plus souple. Cependant l'artiste doit tenir compte du métal qui aisément déraper la pointe, et la ligne de la pointe-sèche, sans être aussi rigoureuse que celle du burin, est assez souvent heurtée.
Sir William Hayer dit Bill qui avait formé à la gravure Braque et Picasso disait qu'il cessait d'être un individu isolé, pour devenir un tout constitué de sa main, de l'outil et de la plaque de cuivre à graver. Il laissait ses élèves aller jusqu'au découragement absolu... Tout juste les invitait -il à persister. Puis enfin il intervenait :
"Il n'y a rien à faire, rien à vouloir, rien à comprendre disait-il à peu près. C'est l'outil qui fait tout, sois l'outil ! tu n'es rien, tu ne sais rien; écoute la matière, tu ne peux rien faire d'autre que d'être l'outil; ne guide pas l'outil. Ta main le tient et c'est la matière qui guide, toi tu n'es rien !""
Ces propos sont rapportés par Olivier Marc dans son livre "Balthus et les artisans du réel" (Ed. Séguier 2000 -Le carré d'art)
Rémy Puyuelo
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