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Je te regarde ,
texte de Maram al-Masri, ill de Youssef Abdelké
Poème de Maram al-Masri, poétesse d'origine syrienne,
accompagné de dessins et, pour le tirage de tête,
de peintures originales par Youssef Abdelké,
peintre et graveur syrien.
Un volume 15,5 x 11 ; 106 pages.
ISBN 2-913896-46-8
40 exemplaires tirés à part sur vélin d'Arches,
enrichis d'une lithographie originale
rehaussée d'aquarelle par Youssef Abdelké
et de plusieurs interventions de l'artiste ,
sous couverture Arches ivoire 300 gr.
3 ex. de chapelle.
prix : 250 € commander
tirage courant
prix : 15 € commander
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Extrait :
Les femmes comme moi
Ignorent la parole
Les mots leur restent en travers de la gorge
Comme une arête
Qu'elles préfèrent avaler
Les femmes comme moi
Ne savent que pleurer
A larmes rétives
Qui soudain
Crèvent et s'écoulent
Comme une veine coupée.
Les femmes comme moi
Endurent les coups
Et ne savent pas les rendre.
Elles tremblent de colère
Réprimée.
Comme des lionnes en cage
Les femmes comme moi
Rêvent
De liberté.
extrait de Cerise rouge sur un carrelage blanc
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note de Lionel Ray :
Une voix singulière
Cette voix est belle qui ne parle que de choses visibles : la neige, la poussière, une fleur de grenadier, l'herbe de mars, les voleurs de sommeil, "les beaux habits de l'imagination". Je veux dire la voix de Maram al-Masri qui, au fil de ses poèmes, avec une savante ingénuité, épelle le vocabulaire de sa vie, ces mots venus d'ailleurs comme des parfums d'Orient. Et tout se passe comme si Maram n'avait pour mémoire que le frémir des songes, une musique tremblée, ce dialogue à mi-voix entre elle-même et ses propres abîmes, quand les mots cachent de secrètes blessures et qu'ils n'y a plus que cette palpitation de syllabes, vive et douce comme les feuilles toutes nouvelles d'un arbre d'avril. Sa poésie est singulièrement attachante, dépouillée à l'extrême. Rien d'ostentatoire, peu d'images, mais le tracé net et le délié de l'émoi, la gravité d'une caresse, la légèreté d'une source. Elle chante comme une source. Sans jamais forcer la note. Et elle donne sa couleur fraîche, heureuse, inquiète aussi, au mouvement de la vie que ses vers comme autant de miroirs intimes parviennent à capter.
Il m'est arrivé de me demander comment c'est fait, un poème de Maram al-Masri, sans trouver le secret mystérieux de tant de grâce et de séduction. "C'est comme si c'était fait par personne" disait Rainer Maria Rilke, après lecture des poèmes de Supervielle. Mais le sésame de l'imagination désirante, l'amour qu'elle chante, d'ombre et de lumière mêlées, ce cristal pur, cet ailleurs inaltérable…
Dans ce qu'elle voit, ce qu'elle touche, ce qu'elle rêve, grandit l'invisible. Mais à l'inverse, tout se passe comme si elle donnait à la voix intérieure une visibilité, sans fausse parure. Derrière les gestes simples de la vie quotidienne, Maram al-Masri laisse deviner une présence profonde. Ainsi procède toute poésie vraie : derrière la célébration de l'éphémère, l'instant saisi par les mots entre en résonance avec ce besoin en nous de l'éternel. Comme un parfum d'innocence édénique.
Lionel Ray
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