Tahar Bekri

 

Né en 1951 à Gabès (Tunisie), Tahar Bekri écrit en français et en arabe. Maître de conférences à l'Université de Paris X, il a publié une quinzaine d'ouvrages (poésie, essais, livres d'art). Saluée par la critique, sa poésie est traduite dans différentes langues (anglais, russe, italien, espagnol, turc...).

photographie de B. Bardinet

 

 

Publications

Marcher sur l'oubli eds L'harmattan 05/2000

De la litterature tunisienne et maghrebine eds L'harmattan   11/1999

Inconnues saisons eds L'harmattan  10/1999

Poemes a Selma eds L'harmattan   08/1996

Littérature de tunisie et du maghreb eds L'harmattan11/1994

Le laboureur du soleil eds de L'harmattan   08/1991

Le coeur rompu aux océans eds de L'harmattan 07/1988

L'Horizon incendié
texte de Tahar Bekri, ill. M. Kacimi Ed. Al Manar

Si la musique doit mourir
de Tahar Bekri, ill Francesca Brenda Ed. Al Manar

La brûlante rumeur de la mer
texte de Tahar Bekri, ill. J. Leick Ed. Al Manar

Orage, zéphir
texte de Tahar Bekri, ill M. Kacimi Ed. Al Manar

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Entretien avec le poète : Une interrogation inquiète Propos recueillis par Rafik DARRAGI

Selon Aristote le rôle propre du poète «n'est pas de dire ce qui est réellement arrivé, mais de dire ce qui pourrait arriver selon la vraisemblance ou selon la nécessité.» (Poétique 9).

La Brûlante rumeur de la mer , le tout nouveau recueil de notre poète national Tahar Békri, est une parfaite illustration de cette célèbre définition. Hymne entièrement dédié à la mer nourricière, il est aussi une interrogation inquiète sur le devenir de cette richesse commune, une interpellation et un appel angoissant à la conscience de chacun.

Les poèmes concernent d'abord la mer Méditerranée, cela s'entend, puisque le poète est né sur ses rivages, à Gabès, et que le plus long poème dans ce recueil s'intitule 'Golfe de Gabès'. Mais l'océan n'est pas oublié . 'Journal d'océan' est, lui aussi, un long poème que l'auteur dédie à Annick, sa femme, originaire de Doëlan, un petit port pittoresque au sud de la Bretagne.

La Presse a profité de la parution de ce recueil pour rencontrer Tahar Bekri. Nous espérons que ce long entretien, qui s'est déroulé à La Sorbonne, aura les mêmes répercussions positives que celui qu'il nous a accordé il y a plus de deux ans (cf : "L'homme qui a la lune dans la tête", La Presse du 18/02/02&25/02/02); nous espérons, également, qu'il aura, lui aussi, valeur de témoignage et qu'il contribuera à mieux comprendre non seulement l'ouvre, mais aussi l'homme. Précisons également que c'est avec la plus grande gentillesse que Tahar Bekri a accepté de répondre à cour ouvert à toutes nos questions.

Tous les poèmes de ce recueil ont pour sujet la même thématique, la mer ou l'océan. Le ton, d'une manière générale, est plutôt au pessimisme, voire à la désillusion et même à la souffrance. D'abord, voudriez-vous nous expliquer ce titre : 'La brûlante rumeur de la mer' ? Pourquoi avoir choisi ces termes 'rumeur' et surtout, 'brûlante' ?

Ce titre est une métaphore sur pratiquement tout ce qui est profond dans l'être poétique et l'individu également : la brûlure dans la tourmente et non pas seulement dans la beauté de la mer elle-même; la rumeur dans le sens aussi de l'écho, aussi bien le souvenir que ce qui entoure aujourd'hui la mer, réelle et métaphorique, comme interpellation, comme questionnement et comme pensée. Bien entendu, l'actualité n'est pas exclue, mais la mer est ici au centre d'un journal poétique où chaque lieu, chaque moment, chaque instant, est évocateur d'émotions profondes, du moins tel que je voulais écrire ce recueil.

Le premier poème est intitulé ' Lisbonne, tombeau de Pessoa'. Fernando Pessoa est évidemment ce grand poète portugais du début du siècle dernier, connu notamment pour avoir écrit en portugais et en anglais, mais pour avoir aussi créé trois hétéronymes, trois identités littéraires différentes afin de souligner la complexité de sa personnalité, lui dont le nom en portugais signifie 'personne'. Peut-on en dire autant sur vous ? Avez-vous des affinités avec ce poète ?

Ce poème, 'Lisbonne, tombeau de Pessoa', est une évocation de ce grand poète de la modernité, mais aussi de la mélancolie, de la fameuse 'saudade' portugaise . Je l'ai écrit après deux voyages au Portugal et surtout un séjour à Lisbonne ; se sont mêlés ainsi l'évocation de ce poète avec aussi le passé arabe de la ville, notamment la partie qui s'appelle Alfama, qui signifie, en réalité, El Hamma, la source chaude dans la ville; et, en me promenant dans les vieux quartiers de Lisbonne, je ne pouvais pas m'empêcher de traverser le passé ; mais également, vivant dans le présent du monde arabe et les liens avec le Portugal, pour moi, le tout passe par le souvenir des lectures de Pessoa et de son évocation de l'océan. Donc la mer est aussi la jonction avec le bassin méditerranéen, elle est aussi tumulte et remous puisque cette Méditerranée est un tumulte historique, un lien que les poètes ont essayé de rendre fraternel, amical.

A propos des évocations maritimes de Fernando Pessoa, nous pensons à l'un de ses célèbres aphorismes : «Un bateau semble fait pour naviguer; mais son but véritable ce n'est pas de naviguer : c'est d'arriver au port. Nous voilà tous en train de naviguer, sans la moindre idée du port auquel nous devrions aborder. Nous répétons ainsi, sur un mode douloureux, l'aventureuse formule des Argonautes : il est nécessaire de naviguer, mais pas de vivre.» Etes-vous d'accord avec cette opinion ? Y a-t-il une affinité entre votre pensée poétique et ce qu'il dit ici ?

Je pense que le poète est un vrai navigateur mais un navigateur dans les mers les plus profondes car c'est dans les mers cachées que se trouve la poésie en tant que questionnement, parfois métaphysique, même si la poésie est parfois un questionnement sur le politique, sur l'histoire et sur le réel. L'imagination la plus profonde reste parfois du ressort du mystère, du secret, de l'impossible réponse. Il n'y a pas de solutions dans le domaine de la poésie ; et comme vous le dites, Pessoa a écrit des poèmes avec trois personnages qui le représentaient. Tant mieux si nous arrivons à un port mais le voyage n'est pas nécessairement un voyage où l'on garantit l'arrivée; la poésie est un risque de l'être, risque du vécu, et il y a l'aventure de la pensée, l'aventure de l'esprit. Parfois nous atteignons le cour humain; parfois l'émotion nous bouleverse et nous partageons cela avec d'autres humains mais quand on regarde l'histoire de la poésie ou la vie des grands poètes, nous constatons qu'il y a énormément de vies tragiques, énormément de bateaux qui échouent et qui se cassent; il y a beaucoup de fracas dans les ports, il y beaucoup de rochers qui sont comme des obstacles, et donc le rêve de tout poète, je n'en sais rien pour les autres, en tout cas pour moi, le rêve est comment joindre la fraternité universelle. J'avoue que cela n'est pas du ressort de la facilité, du ressort du voyage facile, mais la poésie étant une implication totale, il y a donc ce mouvement du vécu qui nous emporte tel le mouvement de la houle; je pense que la métaphore de la mer que je donne à ce recueil est semblable : elle est parfois calme, parfois écumeuse.

Ce calme dont vous parlez est pourtant rarement présent dans vos poèmes. Il y a beaucoup de nostalgie, d'angoisse, de doute et d'interrogations aussi. Je pense en particulier au poème intitulé 'Sousse dans la pénombre'. Cette ville n'est-elle pas liée à votre enfance, à certains souvenirs douloureux ?

Oui, j'ai vécu un certain temps à Sousse, j'y ai fait l'école primaire mais tout souvenir n'est pas directement dit ou nommé ; il y a la douleur vécue personnelle... Je ne peux pas revoir Sousse ou d'autres villes sans quelques souvenirs douloureux. Je pense que la poésie, l'écriture, la littérature en tous cas, provient, de manière générale, de cet aspect, de ce questionnement, parfois de la blessure ; on essaye de marcher sur sa propre braise, comme l'on dit.

Tant il est vrai que la poésie n'est en fait qu'une biographie indirecte.

Oui, ce livre est pour moi, une autre étape. Il contient un poème, 'Nuit', la mer sombre, la mer noire pratiquement au sens politique du terme; c'est un clin d'oil à l'Irak actuel et la noirceur, tout ce qui est obscurité actuellement à travers le monde et qui m'interpelle en tant que poète arabe vivant en France ou à l'étranger; donc on ne peut pas oublier tout ce réel qui encombre l'actualité, sur fond de questionnement métaphysique, du côté pratiquement de Sophocle.

'Porte de la mer' est le titre d'un de vos poèmes, un beau poème, certes, mais où perce la désillusion. Pourquoi pas 'Bab Bhar' tout simplement ? Ne s'agit-il pas de ce quartier de Tunis, précisément ?

Effectivement 'Porte de la mer' est une évocation du Tunis de mes années d'étudiant. «La Brûlante rumeur de la mer» est un livre où la Tunisie est beaucoup présente. Il y a Sousse, Carthage, Sidi Bou Saïd, Gabès... C'est aussi le questionnement sur l'utopie, sur les idéologies. Si on essaye aujourd'hui de faire un bilan pour ma génération, c'est-à-dire le rêve, où nous en sommes aujourd'hui.

Vous êtes déçu ?

Non je ne dirais pas déçu mais il y a beaucoup moins d'utopie pour notre génération, au sens du rêve d'une société future et on le voit : vers ces années là, nous étions attachés à tout le monde, je ne dirais pas à la Tunisie seulement. C'était plus facile dans les années soixante dix de rêver de société.

Pourtant le lecteur retrouve partout les mêmes interrogations, les mêmes inquiétudes; dans le poème 'Sidi Bou Saïd, par exemple, on constate que ' la mer est sourde' et que la tragédie de Sisyphe, pourtant 'averti', se répète. Décidément, il y a beaucoup de désillusion dans ce recueil, beaucoup d'angoisse, même lorsqu'il s'agit d'endroits paisibles. Dans un site enchanteur comme celui de Kavala, en Grèce, vous évoquez néanmoins le 'prisme d'illusions' ou encore l''inapaisée vastitude' de la mer et 'les mimosas en pleurs' à Cesenatico, cette perle de la côte adriatique ; il n'existe 'nulle accalmie' même dans le petit port si pittoresque de Doëlan, sur la côte bretonne.

C'est l'effet du contraste, de l'antagonisme. L'intensité dramatique dans le poème me semble en tout cas, à mon niveau, provenir de cet antagonisme. Dans les paysages les plus beaux, dans les lieux les plus magnifiques, l'évocation des éléments, des couleurs, ou des arbres, il y a souvent cet antagonisme qui est déchirant, qui n'est pas nécessairement volontaire. C'est vraiment le vécu, ce que je vis régulièrement, ce tiraillement, ce déchirement entre ce qui est beau et ce qui est laid. Le monde actuel est submergé de laideurs, d'informations macabres, de choses apocalyptiques, un chaos de la modernité, d'événements mondiaux, de sang, de kamikazes, d'agressions politiques. C'est précisément dans ces lieux où nous sommes en train d'admirer un coucher de soleil ou un beau paysage que parfois l'on tue, l'on bombarde, et l'on assassine. Malheureusement, c'est ça, la réalité ; il suffit de sortir dans la rue, il suffit de regarder la télévision, ou lire un article dans le journal. Or on ne peut pas fermer les yeux sur ce qui nous entoure. Partout où je vais - j'ai voyagé en Afrique et à ce propos, j'espère que le prochain livre sera davantage du côté du continent africain -. Bref au milieu du plus beau paysage du monde, il y a, en même temps, la laideur de l'actualité, du monde moderne. Or la poésie n'est pas manichéenne pour moi; elle est bel et bien cette dualité. Qu'est-ce donc que la poésie si elle n'a pas d'utopie, si elle n'a pas de rêve, de songe, de vision ? Avec le recul - trente ans pour ma génération - après le passage de la vie d'étudiant, on ne peut que constater les échecs des idéologies, la découverte des défaites de la pensée, souvent la défaite de beaucoup de pays. Tout cela donc constitue à mon avis un terrain favorable, je ne dirais pas à la désespérance, mais en tout cas à l'interrogation inquiète.

Parlez nous maintenant de ce long et beau poème qu'est 'Le Golfe de Gabès'. C'est là où vous êtes né et il vous rappelle votre enfance. S'il ne résume pas à lui seul la substance de votre recueil, du moins, ne reflète-il pas cette verve poétique, ces évocations mélancoliques d'expériences vécues ou observées, illustrant cette 'rumeur brûlante' qui court en filigrane dans tout le recueil ?

C'est vrai, il s'agit évidemment d'évocations douloureuses; celle de cette magnifique palmeraie natale, mais en même temps les souvenirs de la mort de ma mère; et ce grand-père qui était comme Gandhi, un paysan en retrait; il représentait pour moi toute la bonté, l'attachement à la terre en tant qu'élément nourricier de l'humain. Ce sont là des choses qui reviennent constamment; je n'y peux rien, même adulte aujourd'hui, car c'est de là qu'est né mon rapport avec la poésie. Enfant déjà je me posais des questions métaphysiques : qu'est-ce que la mort ? Qu'est-ce que la justice ? Qu'est-ce que l'existence. ? Puis ces dernières années, malheureusement j'ai vu ma palmeraie natale et la pollution qui la menace. J'espère qu'on va remédier à cette situation car Gabès comme son golfe, dont l'évocation remonte à Pline et à Hérodote, appartient à tous les méditerranéens.

'Journal d'océan' est presque aussi long que 'le Golfe de Gabès'. . Il ne s'agit plus de la mer Méditerranée. Le poème se présente sous forme de dialogue entre un couple.

Mon épouse est originaire de Bretagne. Dans son village natal, Doëlan, je passe sur les traces de Gauguin qui a vécu à proximité, au Pouldu. J'avais déjà écrit un poème sur ce peintre,' L'Appel de Gauguin'. La mer est aussi l'océan; elle est ici appel de l'horizon, appel du large, du voyage. Le dialogue est entre mon épouse et moi. Comme elle est peintre, c'est donc un rapport entre la poésie et la peinture qui s'instaure, car il s'agit en fait de son journal, de ses souvenirs et de ses évocations. Ce poème est aussi une interrogation, nos liens à cette terre, à ces lieux, à ce qui est intime pour nous. Je pense que souvent l'adulte écrit son enfance. Même adultes, nous ne faisons qu'écrire notre petite histoire individuelle... D'autre part j'ai fait indirectement dialoguer le Golfe de Gabès et les Côtes d'Armor qui sont d'ailleurs, sachez-le, deux régions jumelées.

Le dernier poème s'intitule 'Atlantis'. Il nous renvoie à Platon et au mythe de cette civilisation disparue. Ce recours au fond imaginatif peut surprendre car même s'il relève de l'image et du possible, il contraste avec le thème principal, la mer, souvenirs, les expériences vécues.

'Atlantis' est peut-être pour moi le poème le plus pessimiste du livre parce que, tout en pensant à Platon et au continent disparu, j'aurais peur que notre planète disparaisse par la faute de la guerre, de la violence, de la pollution. C'est donc une sorte de cri d'alarme.

« Le poète, parce qu'il a le don d'évidence, est prophète», disait le poète Jean Pélégri. Votre recueil, La Brûlante rumeur de la mer , se veut-il une prophétie ?

Je n'en sais rien ; ce que je constate c'est qu'aujourd'hui l'actualité est si meurtrière, si sanguinaire. Chaque jour avec son lot de drames se greffe une tragédie humaine sur le destin : la mort de l'homme ; mais qui risque aussi d'être la mort de l'humanité. 'Atlantis' doit nous interpeller sur le rôle de la paix, sur la justice mondiale, sur la défense de l'humanité ; un poète moderne ne peut pas fermer les yeux sur cette réalité.

Dans votre recueil, deux poèmes, 'Dante, vespérales' et 'Au souvenir de Pétrarque' n'abordent pas directement le thème de la mer mais on y retrouve comme un lien invisible, non seulement des noms tels que Aristote, Averroès, Africa ou Zama, noms qui renvoient au monde méditerranéen, mais également les noms des célèbres égéries, Béatrice et Laura. Est-ce à dire que l'amour, et en ce cas précis, l'amour platonique qu'ont chanté ces deux grands poètes, reste en fait la brûlure par excellence ?

La poésie ne peut pas s'écrire sans rapports amoureux. C'est cette évocation des rapports de couples, qu'il s'agisse de Dante ou de Pétrarque qui donne cette brûlure ; les sensations viennent de ces inquiétudes, de ces beautés. Evidemment rien n'est facile dans tout cela. Rien n'est simple. J'ajouterai qu'il y a dans mon livre deux exergues, Pablo Néruda et Imru-El Kaïs, qui sont deux poètes de l'amour. Je voulais absolument que ces lieux de la mer ne fussent pas uniquement méditerranéens mais universels, un partage commun. Pourvu qu'ils m'aient donné l'émotion nécessaire pour écrire. Tous ces lieux sont des lieux où je suis allé, chargés d'émotions, de sensations, de sentiments et ou s'entremêlent le passé, le présent, les autres, soi-même. C'est également, une odyssée, presque homérienne, parce qu'il y a aussi parfois quelques élans épiques, l'évocation de la guerre et de l'échec aussi.

Presque tous les poèmes sont hermétiques, lapidaires, sans ponctuation ; un seul, 'Mer, lac et autres baies' se détache clair et limpide. Pourquoi ?

C'est vrai, ce poème est à part dans ce livre ; c'est un ensemble d'aphorismes, comme une sorte de sagesse ancienne. Mais, voyez-vous, la difficulté n'est pas dans la métaphore ou dans l'image mais plutôt dans le sens que le poète cherche à formuler. En tout cas, ici ce sont presque des formules de sagesse.

Ce rôle de sage nous semble tout à fait concordant car ce recueil reste malgré tout un chant. Il n'est pas seulement un signal d'alarme, un rappel des maux dont souffre la mer sous la main de l'homme, il est également un chant d'amour, ce qui, en fin de compte, ne fait que rappeler le rôle de la poésie tel que vous l'avez toujours entendu, c'est-à-dire un « chant fraternel, terre sans frontières ».

Ce que vous me dites me touche parce que toute cette douleur, cette souffrance évoquée à travers ces poèmes, c'est bien un but profond pour moi, c'est le chant fraternel; la mer c'est aussi le partage; la mer c'est aussi la mère avec un e, la mère nourricière; c'est le bassin commun à l'humanité et bien que je sois terrien, l'évocation de cette mer doit pouvoir nous aider à s'aimer, à pouvoir être accueillant, à respecter le devoir de l'hospitalité; au poète donc d'aller au-delà de toutes les mesquineries des frontières actuelles, des politiques, des fermetures économiques que nous vivons dans nos régions. Il doit appeler à une générosité profonde et c'est là, peut-être, ce que permet la poésie : préserver la beauté du monde. Le monde est magnifique; la planète est merveilleuse et il faut la sauver; à la poésie de faire ce sursaut mais il y n'a pas de sursaut facile; le rôle du poète c'est de lancer cet appel à l'humain; voyez-vous l'humanité est peut-être le but de notre écriture.