Chaque voix est la vague d'une mer plus immense,
le poème devrait en être ballotté, jusqu'au vertige,
jusqu'à un mal de mer qui correspondrait à ce monde
pour qu'il en soit l'image, le reflet sur la page.
Mais aucun poème n'aura jamais l'odeur des charniers,
pas plus qu'il ne recevra une balle en plein ventre,
et c'est en cela qu'il est invincible dans son pouvoir
de chose verbale issue du souffle chaud d'un corps
qui, lui, n'est pas un corps tout aussi invincible,
menacé qu'il est par des bacilles ou par des prions.
Mais que le poème n'éternue pas si le poète a la grippe.
Parce qu'il ne sait pas d'où lui viennent ces sonnets,
il se demande si la poésie ne serait pas une incubation
et si la page n'est pas blanche comme un lit d'hôpital.
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