Vahe Godel
Silence : écriture Cet homme qui erre dans " les couloirs de sa vie ", en quête d'un centre absent ou disparu, cet homme qui se retourne avec angoisse sur son passé et cherche à recoller les morceaux d'une existence pleine de trous, de blancs, de déchirures, n'a point d'autre salut que d'écrire sans relâche son cheminement. Car seuls lui restent les mots, " ces errants du réels ", pour décrire le mouvement des corps : le sien, d'abord, qui lui devient au fil des jours plus étranger ; le corps des autres, ensuite, des femmes qu'il a aimées comme des hommes qu'il a croisés sur son chemin ; et le corps de la ville, enfin. Cette ville (" ville mémorable, ville mémoire ") qu'il connaît comme sa poche, et qui, aujourd'hui, le rejette de son centre, le condamnant à cheminer sans fin dans sa périphérie. Il y a, dans Un Homme errant, des accents proches du dernier livre de Louis-René Des Forêts, Ostinato, dans le retour de ces thèmes obsédants, dans cette façon extraordinairement subtile et singulière de nommer le monde pour en exorciser les maléfices. De la ville rêvée à la ville réelle, de la baignoire où il s'endort à l'hôpital qui l'attend (" lieu de passion, de guérison, de perdition. Lieu de toutes les questions "), le narrateur revisite sa vie comme si c'était la vie d'un autre. Seules balises dans la nuit qui s'annonce : les mots qui le guident, les voix de femmes qu'il entend, les images qui ne cessent de le hanter. Un homme errant Métropolis 1997 |
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Tous le désirs de l'âme - poèmes d'Arménie Achot Achot Vahé Godel "Je traduis, je m'enfonce, je m'engouffre, je surgis... -JE devient 'autre'... Je suis mort il y a tout juste mille ans, dans le monastère où j'ai toujours vécu... Je vais, je viens, sans feu ni lieu, je sillonne le monde... Je prie, je me lamente, je psalmodie, je chante, je glorifie, j'implore, je crie..., - je passe d'une rive à l'autre. En l'occurrence, j'entrelace deux sortes d' 'exil' : celui de Grégoire de Narek (Xe s.) et celui de Nahabed Koutchak (XVIe s.). Grégoire - Krikor -, cloîtré dès son enfance, près du lac de Van, voyageur immobile, que ne cessent de dévorer "tous les désirs de l'âme"... Nahabed, le troubadour, qu'enivre et que consume son éternelle errance... Narek, l'amoureux de l'Ame, le citoyen du Ciel... Koutchak, le complice du Corps, le chantre de la Femme, l'Amant du Jour et de la Nuit... - l'un et l'autre assoiffés, affamés, également insatiables : "Je brûle - ne me consume pas..., cendre je suis - ne me disperse pas... Mes jours sont noirs, blanches mes nuits... Je suis un sol inculte, un marécage, une lanterne obscure... Ton absence me broie, me brûle ton silence..." (Vahé Godel) Radio France Fragments d'une chronique : Genève-Paris-Arménie Metropolis, 2001 Ici, ailleurs, ill. bertrand Dorny eds Demoures 2000 Ruelle des oiseaux et autres récits Livre Métropolis 1999 Nicolas Bouvier, un galet dans le torrent du monde eds Zoé 1998 Un homme errant Livre Metropolis, 1997 J'ai composé ce récit quelques années après avoir subi une opération (chirurgie orthopédique) - au coeur de la soixantaine. Je conçois l'écriture - et particulièrement l'écriture d'un récit - comme une "allégorisation" de ma propre existence : "Tout, pour moi, devient allégorie" (Baudelaire)... J'erre. Oui - de plus en plus... Je suis "un homme errant"... J'écris. Je m'immerge. Je m'enfonce. Je me baigne - je me mets dans le bain... Or donc, un homme prend son bain. Il s'appelle Tom. La baignoire tour à tour le ramène à l'enfance, réveille sa mémoire érotique et l'oriente vers la mort - lui donnant l'illusion d'essayer un cercueil... Le "pur et brillant sarcophage" (cher à Paul Valéry) réapparaît dans les dernières pages du récit : assis dans un fauteuil roulant, Tom rêve qu'il se baigne et que son corps peu à peu se désagrège, tandis que les robinets ouverts lui sont inaccessibles et l'eau presque brûlante... Entre ces deux immersions, Tom parcourt longuement sa ville natale - où transparaissent par moments d'autres villes (Paris, Rome...). Il se souvient de Clo (au pubis épilé)... de Liz, dont la fille est infirme... de Lou, la belle boiteuse... Or, au fil de son errance, Tom commence à claudiquer lui aussi. "A chacun son anomalie", songe-t-il - l'existence est une "étrange mosaïque" à laquelle il manque toujours un morceau : il y a toujours, quelque part, "un trou, un vide"... Ecrire, c'est peut-être faire en sorte que ce vide, ce trou devienne une ouverture... - au sens musical de ce mot. Car l'errance - la dérive - de Tom se déroule selon les rythmes, les mouvements d'un des chefs-d'oeuvre de la musique de chambre : le 14e Quatuor (de Beethoven)... celui que préférait son père - et qui l'émeut lui-même plus que tout autre. (Vahé Godel) Radio France Le congrès d'automne ,eds Cadex 1995 Arthur Autre La Différence, 1994 De plus belle La Différence, 1993 Ov, eds La Différence 1992 La poésie arménienne du Ve siècle à nos jours La Différence, 1990 Exclus, inclu eds La Différence 1988 Quelque chose, quelqu'un, choix de textes, préf. de Jean Starobinski, Ed de La Différence, 1987 Du même désert à la même nuit ,préf. de Michel Butor,1978 ré-ed avec une préface de Nicolas Bouvier, coll."poche suisse", 1991 Qui parle ? Que voyez-vous ? prix Schiller, 1982 Traduction Odes, prières et lamentations Grégoire De Narek poésie (broché).eds Ad Solem 2003 note de l'éditeur : Grégoire de Narek (945-1010) est le plus grand poète chrétien arménien. Sa renommée exceptionnelle découle essentiellement de son Livres des Prières - appelé aussi Livre des Lamentations -, auquel fait pendant les Odes. Véhémente apologie de la religion chrétienne, paraphrase lyrique des Ecritures, irriguée par la voix des Prophètes et la Parole évangélique, l'ouvre de Grégoire de Narek, qui fut moine, chante également un temps et un lieu précis, l'Arménie du 10e siècle, dont les montagnes s'élèvent vers le ciel comme de gigantesques « pierre-croix » plantés à la gloire du Christ - l'Arménie qui fut le premier royaume chrétien, l'Arménie païenne aussi, dont Grégoire cultive la mémoire en même temps qu'il la transfigure. A l'écoute du passé, Grégoire demeure aussi attentif et ouvert au monde environnant. Le charme chatoyant des Odes trahit une double influence : celle des traditions populaires du terroir et celle des cultures arabe et persane. 2003 marque le millième anniversaire de la création du Livre des Prières. Pour cette occasion, qui fera l'objet d'une importante exposition à l'UNESCO en septembre 2003, cette nouvelle édition bilingue réuni en un seul volume les Odes, prières et lamentations de Grégoire de Narek. |