Zoé Valdès

 

 

Poète, romancière et scénariste, Zoé Valdés est née en 1959 à Cuba, dans la vieille ville de La Havane. Elle a grandi avec sa mère et sa grand-mère dans un quartier très pauvre de la capitale cubaine, à laquelle elle rendit un hommage vibrant dans La Douleur du dollar.

Après des études de philologie à l'université de La Havane puis à l'Alliance Française à Paris, elle travaille de 1983 à 1988 à la délégation cubaine de l'UNESCO et à l'Office Culturel de Cuba à Paris, puis codirige la revue Cine cubano. Elle doit se résoudre à fuir la dictature castriste. Devenue citoyenne espagnole en 1997, elle choisit la France pour terre d'exil et vit à Paris. Elle reste interdite de séjour à Cuba depuis 1995, un an après la publication de son premier roman Sang bleu. éd. Actes Sud 2000

 

 

Lire aussi :

Un portrait de la ceiba (palmier royal) , extrait de Cher premier amour dans notre dossier "arbre"

 

 

la poésie

Une habanera à Paris, Zoé Valdès, coll du Monde Entier Gallimard,

note de l'éditeur : La poésie de Zoé Valdés est un corps-à-corps avec un présent dont elle veut bâtir l'histoire en lui donnant un souffle qui balaye l'horizon du quotidien. «L'adolescence m'a trahie», écrit-elle, et d'un coup de talon, elle s'arrache aux abysses et embarque les dieux dans son aventure : Yalodde, cette «sainte garce», devient sa complice dans cette tentative d'accéder à la «conscience du toucher». L'érotisme devient respiration des jours, abordage débordant, à la manière d'un flibustier de la caresse. Mais son île au trésor restera toujours la tendresse. Comment y accéder ? Par une porte de service qui n'a qu'une seule clé : sa poésie.

Compartiment fumeurs, éd. Actes Sud, 1999

" ....Proche de toi je n'ai pas d'effroi

que vienne je ne sais qui la mort

dans son bas nylon émeraude

stériliser le halètement de mon désir. "

 

Beaux livres

Jorge Camacho, le miroir Cubain texte de Zoé Valdès et entretien avec Gérard Durozoi eds Somogy 2003

Catalogue de l'exposition du peintre cubain, Jorge Camacho né en 1934 à La Havane.
Autodidacte, Jorge Camacho s'établit à Paris en 1959 où il se lie à André Breton et aux Surréalistes. Il puise dans tous les domaines pour nourrir sa vision d'artiste : l'art précolombien, le jazz, la musique andalouse, la poésie française et haïtienne (qu'il traduit), la science alchimique et la Cabale, la photographie, l'ornithologie.
L'ouvre de Jorge Camacho naît d'un désir de peindre tout ce que le réel a d'énigmatique et de paradoxal.
« La peinture de Jorge Camacho trace pour nous des empreintes sur les chemins de la chimère. La présence troublante des choses pour toute réponse. Objets, racines, grottes, engloutissent les bleus pâles, un soupir en forme de fleur ou de sang coagulé s'exhale sur une table, près d'un mensonge sans malice. » Zoé Valdès.

 

lithographie copyrigth Jorge Camacho

 

Moïsés Finalé , Zoé Valdés , eds Cercle D'art  2000

Moïsés Finalé est né à Cuba en 1957, il se partage entre Paris et son pays. Sa peinture se situe au carrefour de la "bad painting" et d'une imagerie populaire expressionniste.

copyrigth Moïse Finalé

 

La rage des anges, éd. Textuel, 1996 beau livre
post/précédent

 

Louves de mer

"La fillette plongea sa tête dans le fût de bière glacée. Ses boucles châtain flottèrent en effiloches sur la masse d'épaisse écume et elle eut la nausée. Elle ouvrit plusieurs fois la bouche et s'amusa à avaler des goulées de l'amer breuvage. Ce n'était pas la première fois que l'alcool lui rafraîchissait ou lui brûlait le gosier. Elle ne put s'empêcher d'en absorber par le nez quand elle décida de jouer à mourir. Elle se retint de respirer, le sillon entre ses seins naissants se creusa encore davantage. Elle ouvrit les yeux, et, dans ces profondeurs jaunes et visqueuses, vit resplendir un tunnel, dont la bouche s'écarta toute grande en écran dévorant. L'image ondulante esquissait un ouragan pourchassant une furieuse baleine au milieu de l'océan. Et là, dans l'oil du cyclone, la fille crut distinguer la nacre rutilante d'un vaisseau fantôme luttant contre la houle. A son bord, une mère et ses deux enfants, âgés de huit à neuf ans, couraient en tous sens. Les diables de gosses empoignaient leur cimeterre, la mère haranguait l'équipage. Tous trois, suivis de quelque deux cents hommes, se ruant à l'abordage du bateau voisin. La femme se battait comme un homme, mieux qu'un homme, serrant entre ses dents une dague effilée, prête à fuser ; les garçons coupaient bras, tranchaient têtes, comme s'il s'agissait d'un jeu d'enfant. Sur le bois humide et gonflé du pont s'abattaient des foies, s'aplatissaient des coeurs encore palpitants, se diluait le regard vague de tièdes globes oculaires, s'écrasaient et éclataient des testicules gorgés de sperme, rognures et lambeaux... À la façon d'un boucher débitant ses quartiers de viande et jetant les bouts de gras aux ordures, ces hommes, mais surtout la femme et ses rejetons, taillaient en pièces leurs adversaires sans vergogne. Bientôt, la mer empourprée calma sa fureur, et la houle écumante noya la vision onirique en un sixième sens, celui de l'irréel. La bière brune s'éleva en épais tourbillon et voila d'ombres fantasmagoriques les pupilles de la suicidée. Le tunnel s'estompa, s'éteignant peu à peu. Des filets de sang s'égouttèrent des tympans glacés d'Ann, les bras chiffonnés, les mains molles, exsangue.
   D'une secousse, l'inconnu extirpa la tête du fût, juste à temps avant que l'adolescente ne perde connaissance et ne s'égare dans un vertige hallucinatoire. Le visage bleu et défiguré aux yeux retournés ne disait rien de bon, était-elle morte ? L'homme perçut un ronflement en provenance de la poitrine et secoua le corps désarticulé dans l'intention de le ranimer. Craignant le pire, il scruta des deux côtés la ruelle déserte pour s'assurer qu'on ne le verrait pas, et déposa la noyée sur le sol enneigé non sans l'avoir recouverte auparavant de sa cape de laine. Tremblant, il colla sa bouche sur les lèvres de la fille et souffla plusieurs fois ; lui réchauffant les joues de son haleine, il fit fondre le sang cristallisé aux oreilles, laissant passer le son. Aussitôt, les ailes de son nez palpitèrent presque imperceptiblement, les fosses nasales noircies retrouvèrent peu à peu leur carnation rosée. Ann battit des paupières, plantant soudain ses yeux turquoise sur le visage de son sauveur ; alors le sixième sens, obéissant à son seul désir, franchit le seuil du réel, elle serra rageusement ses mâchoires et, se redressant, agrippa des deux mains le plastron de soie de la chemise, comme si elle voulait étrangler cet homme. Qui la poussa de côté, ramassa sa cape et, sans plus attendre, se mit à courir, effrayé d'avoir affronté ce visage démoniaque."

 
extrait de Louves de mer, Zoé Valdès , du Monde Entier Gallimard mars 2005 © www.gallimard.fr 2005

 

Publications

Les romans

Louves de mer , Zoé Valdés , eds Gallimard ,  roman 2005

Un trafiquant d'ivoire et quelques pastèques , Zoé Valdés , eds Librio 2004

Miracle à Miami éd. Gallimard, coll Folio 2002,

note de l'éditeur : Iris Arcane n'est encore qu'une enfant de La Havane quand Abomino Dégueu, piètre photographe italien, la remarque à la sortie de l'école pour l'arracher à sa famille. Devenue un mannequin célèbre, elle se libère de son mauvais génie et se marie à un américain. Mais des phénomènes étranges, présages, visions, sorcellerie, jettent une ombre terrible sur ce nouveau bonheur. Est-ce une vengeance ou s'agit-il de ces forces du mal que combat depuis toujours le Français Tendron Mesurat, détective visionnaire que la belle Iris et son mari ont engagé ? Toujours est-il qu'une rumeur merveilleuse court sur l'imminence d'un grand miracle à Miami.

Les mystères de La Havane, éd. Calmann-Lévy, 2002 poche

Ilam perdu, éd. Mercure de France, 2001

«Au moins pouvais-je respirer dans ce square, car quelque chose d'étrange survenait en moi quand j'inspirais et que je soufflais, une émotion différente, aiguë et perçante comme l'éclair, et je pouvais observer la vie des autres sans un écran de fumée. Quand un garçon embrassait une jeune fille à quelques pas de moi, je me disais confusément qu'un homme avait dû m'aimer moi aussi, que j'avais peut-être connu ces gestes d'amour. Mais s'il m'avait embrassée avec pareille ardeur, n'aurais-je pas gardé le souvenir du goût de sa bouche, du frémissement des sens ? Des phrases mélancoliques me reviendraient à l'esprit. Quand il m'arrivait, parfois, de songer à l'amour, mon estomac se nouait.»

Trafiquants de beauté, éd. Actes Sud, 2001 poche

Le pied de mon père, éd. Gallimard, coll Folio 2000 coll du Monde entier Gallimard

«Alma Desamparada songea à son père. Pourquoi était-il allé fourrer sa queue dans la chatte de sa mère ? Pourquoi avoir craché sa sauce dedans ? Pourquoi sa mère avait-elle ouvert les jambes ? Pour l'avoir, elle ? Mettre au monde une crève-la-faim ? [...] Plus d'une fois on lui avait présenté tel ou tel type comme étant son père.
- Voilà ton père, ton foutu père, lui avait dit sa mère le jour de ses six ans, alors que son parrain débarquait avec un gâteau trop sucré.
Alma aurait donné n'importe quoi à présent pour une miette d'un gâteau pareil, même rance. Un sirop fruité imaginaire coula dans ses veines fragiles. Il avait été question si souvent de l'identité véritable de ce maudit père. Le coup des poubelles ou du panier abandonné devant la porte, elle n'y croyait plus. Si le type du gâteau était son père, elle s'en foutait purement et simplement.»

Cher premier amour, éd. Actes Sud, 2000 poche

note de l'éditeur : Danaé doit son nom au vers célèbre d'un grand poète de sa ville. Mais sa vie paraît désormais vide de poésie. Fuyant La Havane et une vie familiale morne à laquelle elle ne veut plus sacrifier, Danaé gagne la campagne, où elle tente de retrouver le paradis de sa première école aux champs. L'été de ses treize ans, l'expérience des travaux agricoles coïncida avec son premier amour. Enivrée par la terre des origines et mère de toute forme de vie, Danaé a connu l'exaltation des sens auprès d'une sauvageonne indienne.
Raconté tour à tour par le « temps de la ville », un arbre, un lamantin, ce roman animiste et extrêmement sensuel, nous entraîne dans une merveilleuse célébration de la terre cubaine et du métissage.

Café nostalgia, éd. Actes Sud, 1998 broché

note de l'éditeur : Marcella Roch est une exilée cubaine à Paris. Photographe douée parvenue rapidement aux sommets, elle se reconvertit dans le maquillage à la télévision. Cette femme est habitée par d'obsédants regrets cubains. Son île tout d'abord lui manque puissamment, et les amis des ses jeunes années. Tous sont éparpillés aux quatre coins du monde. Elle est aussi hantée par le souvenir d'un homme d'âge mûr, il aurait pu devenir son amant alors qu'elle était adolescente mais son épouse a préféré le tuer pour lui faire payer ses infidélités. Marcella se débat avec ses souvenirs, son identité, sa nostalgie et fait la connaissance de Samuel, un voisin cubain. Ce roman prolixe de Zoé Valdès est construit en six chapitres et les cinq premiers reprennent les thèmes de la tapisserie de la Dame à la Licorne du musée de Cluny, autour des cinq sens.

La douleur du dollar, éd. Actes Sud, 1997 poche

Séduite et abandonnée Cuca se retrouve seule avec un enfant et un dollar mais elle ne manque ni d'audace ni de courage. Une ode exubérante et sensuelle à la femme cubaine et à La Havane.

La sous-développée, éd. Actes Sud, 1996 broché

note de l'éditeur : Le récit d'une survie dans un dénuement extrême dans un climat de délation extrême. Fille de la Révolution, née à Cuba d'un père récoltant de canne à sucre et d'une mère courageuse, la narratrice a changé le prénom de Patrie donné par ses parents pour celui de Yocanda. Elle raconte son quotidien. D'abord le café du matin face à la mer, puis aller en vélo pointer au travail où il n'y a pas grand-chose à faire, à cause de la crise. La pénurie s'accentue, le pays manque d'électricité, de viande, de légumes et de gaz. L'eau, il faut aller la chercher au coin de la rue et la remonter sur huit étages. Un roman qui s'apparente à un document poignant, d'une terrible vérité, très intime et très politique.

Sang bleu, éd. Actes Sud, 1994 broché