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Robert Combas passe son enfance et son adolescence à Sète (34). Il est diplômé de l'École des Beaux-arts de Montpellier. Robert Combas apporte, dès son entrée aux Beaux-Arts en 1977, une esthétique originale et novatrice. Alors que l’art conceptuel domine la scène artistique française, le jeune artiste prend le contre-pied du courant dominant et s’attache à redéfinir l’utilisation de l’espace, de la couleur et de la figuration. Partant du principe que tout a, de toute façon, déjà été fait, Robert Combas s’approprie sans complexe les grands poncifs de l’art, et apporte ainsi de nombreuses possibilités à ses contemporains et aux générations suivantes qui souhaitent emprunter la voie de la figuration. Cette nouvelle esthétique apparaît chez Combas dès 1977 avec les batailles, sujet complet et toujours d’actualité, puis se poursuit entre autres avec ses appropriations de la figure de Mickey. Il créera ensuite le Pop Art Arabe. Sous ce terme de son invention, se trouvent des œuvres aux airs de publicités « des pays sous-développés » marquées de fausses écritures arabes. Son esthétique est à l’époque assez brute et influencée par tout ce qui occupe sa vie de jeune adulte : télévision, rock, BD, sexe. Robert Combas et Hervé Di Rosa sont originaires de Sète. C'est dans cette ville qu'ils créeront en 1979, en compagnie de Catherine Brindel (Ketty), la revue Bato, « œuvre d'art assemblagiste et collective ». Parallèlement, Robert et Ketty forment avec Buddy (le frère d'Hervé), un groupe de rock, Les Démodés, qui connut un succès d'estime dans le sud de la France. Alors que Combas poursuit ses études à l'école des Beaux-Arts de Montpellier (où enseignent Dominique Gauthier et Daniel Dezeuze), Di Rosa s'inscrit à l'École nationale supérieure des arts décoratifs de Paris. C'est là qu'il rencontre François Boisrond. Par l'intermédiaire du père de ce dernier, ils font la connaissance du critique d'art Bernard Lamarche-Vadel qui leur propose de participer à une exposition dans l'appartement qu'il doit quitter (Finir en beauté, 1981). À cette occasion, Lamarche-Vadel leur présente Rémi Blanchard, qu'il avait eu comme étudiant à l'école des Beaux-Arts de Quimper. Cette exposition, à laquelle participèrent également Jean-Charles Blais, Jean-Michel Alberola, Denis Laget et Catherine Violet, constitue le véritable point de départ de Figuration Libre. L'exposition 5/5, Figuration libre France/USA organisée en 1984 par le musée d'Art moderne de la Ville de Paris consacre officiellement cette mouvance en la confrontant à la génération des « graffitistes » new-yorkais (Jean-Michel Basquiat, Crash, Keith Haring, Kenny Scharf). On peut mesurer à cette occasion ce qui réunit mais aussi ce qui distingue les peintres américains et français. Dans le catalogue de l'exposition, Otto Hahn, critique d'art pour le magazine L'Express, tente de définir les affinités des deux groupes : « Mon intérêt pour les Américains, Jean-Michel Basquiat, Crash, Keith Haring, Kenny Scharf, et pour les Français Rémi Blanchard, François Boisrond, Robert Combas, Hervé Di Rosa, auxquels s'ajoutent les photographes Louis Jammes et Tseng Kwong Chi, ici regroupés sous le sigle de Figuration libre, vient de la vitalité joyeuse qui se dégage de leurs travaux. Alors que la peinture déborde d'attitudes nobles et de sentiments tragiques, le „puérilisme“ affiché des nouveaux venus donne le sentiment d'une libération. » Cette nouvelle génération de peintres est animée par un enthousiasme et une désinvolture qui contrastent radicalement avec la sévérité des années 1970 (art minimal et conceptuel, Arte povera, Support-Surface, etc.). Cependant, à la différence de la Transavangardia italienne et des néo-expressionnistes allemands, ces peintres ne se réfugient dans aucune nostalgie. Ils s'inscrivent sans honte ni culpabilité dans l'actualité de leur temps, avec un style coloré, graphique et simplifié inspiré de la bande dessinée, de la science-fiction, des dessins d'enfants et de la culture des banlieues. Les artistes de Figuration libre restent cependant moins influencés par les graffitis que les Américains. Leur peinture fait davantage référence aux « arts populaires » : les monstres et les robots pour Di Rosa ; l'« art brut » et l'imagerie arabe et africaine pour Combas ; les contes et légendes et le cirque pour Blanchard ; la publicité et les objets industriels pour Boisrond. |
post/avant |
Textes
Combas : De la photo, de la peinture.
Ce que nous dit Robert Combas ici, c'est que l'on ne peut mettre entre parenthèse la peinture. Celle-ci rejaillit toujours. En un sens il se rattache par là aux partisans du retour au métier de peindre en face des expérimentateurs du collage et des déductions de la peinture à partir d'autre chose qu'elle-même.
La confusion vient en effet de loin. Elle s'enracine dans la négligence vis à vis de ce que voit le peintre. L'oeil du peintre étant à distinguer de celui du photographe. Le monde du photographe est disons "empirique" ou fondé sur l'observation, celui du peintre est subjectif et "pur" (entendre axé sur l'essentiel), si l'on en croît Combas en suivant le fil de cette exposition.
D'un côté le sujet : le peintre, ses obsesssions et ses valeurs, de l'autre le monde que la photographie tente de saisir et d'épuiser. Notre idée est que Combas "en acte" nous propose ici de choisir sans nous limiter.
P. Givodan janvier 2009
Combas et le Temple de l'Oeil
C'est un peintre méditerranéen. Il s'expose volontairement au ridicule avec ses fleurs démesurées, ses femmes aux foulards désuets, il tente d'assembler les mythes qui remontent à Van Gogh, loin des yeux secs et des bouches impitoyables. Il a quitté Paris, la ville grise et bleue, il s'est avancé vers les bords de la mer du milieu.
- "Qu'es Aco ?"
Il a cassé la clôture mentale, dédaigné les avis partagés, les conseils prudents. Il a touché des mains la guitare d'un poète américain et a répondu, proche, prêt à réagir à l'invitation du Centre Van Gogh. On est venu, on a vu, vaincu, on a admiré, on a baissé les armes.
Constance, certitude, expression de la maîtrise (voyez ses sculptures de petits crucifiés et ses grands formats de natures mortes allégés sur fond blanc, entre autres...) Il a dialogué avec son corps en visant la cible publique : le hollandais fou, l'homme à l'oreille coupée. Ses perceptions extralucides ont fait fleurir le jardin de la mémoire collective (celle des rêves du pauvre mystique du nord jeté dans la Provence fauve et sauvage). On se disait qu'un jour Combas finirait par mettre à nu le contenu de cette P... de région. Evidemment avec le sourire du séducteur, il a surmonté ce goût de la mort et du sang qui hante le pays. Cette fausse insouciance, cette délicatesse aussi, cette sensualité et cette violence très rock n'roll finalement.
Tel Ulysse, Combas a donc vaincu le Cyclope par la ruse. Résistant aux sirènes molles, il s'est frotté aux os de la Terre provencale. Et c'est impressionnant. Les toiles défilent , préservées dans leur majesté qui fait abdiquer les yeux. Même un aveugle sentirait la peinture, rien qu'en touchant les oeuvres. Et le temps s'est fendu. Et la bouche de Van Gogh s'est ouverte. Et le monde des images a cligné d'un oeil :
- Salut à toi Combas qui a su arracher de l'obscurité le ciel primitif !
L'opération était réussie. Rouge, jaune, verte, la vue écarquillée aussi vers l'espace intérieur. Les spectateurs aux pupilles comme dilatées, excitées, hypnotisées, inscrivaient l'oeuvre dans la lumière, les mythologies féminines, le dieu du soleil et les créatures de feu faites de muscles et de nerfs (jamais ascétiques).
P. Givodan juillet 2008
Nouvelle vague.
Combas s'est imposé d'entrée de jeu comme un rebelle.Très tôt influencé par le rock'n'roll, commentateur social des redresseurs de torts il est un des héritiers de la peinture contestataire américaine (d'un Guston par exemple). Peintre -poète marqué par le mythe pop aussi bien il a redéfini la peinture sans prétention comme une valeur sûre.
Aujourd'hui, venue l'heure des premiers bilans, sans surenchère il enfonce le clou. Dessinateur inspiré il s'emploie ici à charger de signes les identités des années soixante-dix et quatre-vingts dans un registre toujours fantaisiste et libre. Son approche privilégie l'humour et les thèmes populaires, astucieux cocktail des équipées sauvages. Il fait de son mieux pour vivre avec son temps, qualité partagée par peu de monde aujourd'hui, où l'on se penche plus facilement sur les effets des « écroulements des valeurs » et les nostalgies amères et complaisantes.
Donner la parole aux rockers n'est pas si loin du renversement des statues cependant. Une voix distincte donc qui se laisse toujours entendre.
P. Givodan janvier 2008
Combas entêté
Opiniâtre mais pas sot Combas n'en démord pas. Il a dû se former une haute idée du cinéma d'auteur il y a longtemps déjà. Aussi Chaplin et les autres sont au rendez-vous de cet hommage au septième art que le peintre offre à la ville de Cannes pour fêter les soixante ans de son festival.
Pas de censure donc dans ce travail dont on connaît la volonté inflexible. Le père de la Figuration libre des années quatre-vingt françaises n'a franchement rien de vulgaire, mais il a su n'être "ni la dupe ni la risée des autres" comme l'aurait dit un jésuite du dix-septième siècle. Fidèle à sa réputation de jouissif capricieux il transforme sans courtoisie l'écran blanc en occasion de s'engager dans l'épique et l'historique à la manière des peintres des grandes affaires du monde.
A la hauteur de son image il s'en sort souverainement avec habileté et subtilité sans être jamais insupportable. Faut-il parler ici de génie ou d'esprit heureux ? On penchera pour la seconde formule. Mais la vie passe et les méchants s'en vont. Seuls ceux qui écoutent les autres sans présomption ni parti pris durent. Alors nous dirons à ce cher Combas : garde-toi longtemps encore de l'éloquence et tu réussiras à porter les coups qui comptent !
P. Givodan juillet 2007
in Chroniques intempestives et subjectives à propos de l'art Ed. Complicités 2008
Un programme criant.
Pas de « revival » religieux ici, ou de New Age. Les promoteurs de cette relecture du Chemin de Croix ne s'orientent pas vers le passé mais plutôt en direction d'un point à retrouver ; quelque chose de fondateur au niveau artistique voire éthique en Occident.
Le fait étonnant c'est que le rapport entre l'écriture de Kijno et celle, superposée, de Combas ne relève d'aucune effusion « mystique », ni d'épousailles quelconques. Leur but n'est pas visiblement de préparer non plus une restauration d'un ordre classique en peinture ou d'être les prophètes d'un retour à une inspiration originelle, voire de jouer les Primitifs. Les choses se présentent autrement. Il nous semble que pour comprendre cette démarche inédite il faut chercher ailleurs. Du côté du cour et de l'amour, vertu qui ne court pas les rues aujourd'hui.
Ce thème artistique apparaît commandé par un impulsion aveugle à toutes les raisons d'Etat et à l'ordre naturel des choses. Pour nous il s'agit d'une émotion universelle liée à la générosité que l'on osera appeler « populaire » et partagée.
On respecte donc ce duo à quatre mains qui vient nous surprendre pour lancer un nouveau défi aux historiens des cultures.
A quelle urgence répondent ces artistes, à quelle nécessité aussi ?
La question est posée du rapport entre existence et morale, voire christianisme et révolution si l'on veut. De toute façon et c'est l'essentiel, l'exercice fait pression sur l'action de peindre, cela se voit, et sur la pensée du spectateur, c'est sûr.
P. Givodan janvier 2007
in Chroniques intempestives et subjectives à propos de l'art Ed. Complicités 2008