Gloria Friedmann

© Radio France / A. Lachand
Gloria FRIEDMANN
Née en 1950 - Kronach République fédérale d'Allemagne
C’est à tort qu’on limiterait le travail de Gloria Friedmann à l’expression d’une idéologie qui serait soucieuse de défendre la nature ou de dénoncer les agressions que notre nombre lui fait subir. L’œuvre n’est en rien illustrative : clairement philosophique au contraire dans ses présupposés, elle témoigne plutôt d’un présent suspendu entre les incertitudes du futur et des origines inaccessibles, du sentiment de l’urgence d’une connexion entre ces deux pôles de nos cultures, quand bien même nous serions comme condamnés à ne jamais pouvoir en récupérer une signification explicite.
Dans de nombreuses installations, c’est la référence à l’animal qui actualise cette archéologie perdue, animal que notre propre langage nous a rendu définitivement étranger, inaudible. Dans la série des Représentants, 1994, qui confronte par exemple des chevaux à des épaves d’automobiles, des bœufs à des caddies de supermarché ou un porc à des sacs poubelles transparents pleins, l’animal est vivant. Dans d’autres installations, comme Réserve naturelle, 1994, qui le confronte à un empilement de réfrigérateurs, ou Nature morte, 1993, qui le met en scène sur un tapis de feuilles mortes et face à une surface d’écorces d’arbres, l’animal est naturalisé. Dans d’autres installations encore, réalisées avec des vidéos et dont les titres comme En direct, 1994 et 1995, ou Transmission directe, 1994, ou encore Visage du monde, 1994, sont explicites, l’animal est présent sous forme d’ossements. En organisant ces sortes de courts-circuits, à la limite parfois du jeu de mots, entre les champs sémantiques propres aux éléments qu’elle met en relation, Gloria Friedmann en souligne en réalité l’écart, la distance impossible à couvrir. D’autres séries, comme Les Parias, 1993-1998, composés d’éléments périssables enfermés entre deux plaques de verre – des algues, du jambon, des légumes, du pain – tout en manifestant ce même écart entre nature et culture, et plus précisément encore en l’occurrence entre nourriture et aliment culturel, semblent davantage dédiées au présent, au phénomène dans l’actualité de son déroulement.
Les mêmes préoccupations sont à l’origine des sculptures de la collection du Frac de Bourgogne. L’archétype n’est plus ici l’animal, mais le paysage naturel : les Hautes herbes agitées par le vent, 1983, le Lac de Chamonix, Étude de couleur, 1985, les Étude des parois du Mont-Blanc, 1985. L’écart est traduit par la distance qui sépare le référent des matériaux utilisés pour le représenter : tuyaux plastiques, verre, bois mélaminé. La lecture de l’image imposée par le titre par-dessus cette distance (la dénotation) est alors l’occasion pour le spectateur d’une réelle émotion.
Jean-Philippe Vienne
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Bibliographie sélective

Gloria Friedmann
Play-Back d'Eden
Texte inédit. Œuvre insérée : dessin au feutre imprimé sur un papier-nappe de restaurant et rehaussé à la main.
ed. Jannink 2003
voir l'ouvrage
Note de l'éditeur : Artiste engagée, philosophe, humaniste et militante écologiste, elle pose cette éternelle question de l’origine de l’homme et des origines de l’art, et aborde les principales interrogations contemporaines avec la franchise de l’« ingénue libertine ». Un style spontané, des formules incisives.
(diffusion Art Point France)
voir aussi : Art Point France Info, article du 01/10/2008
Bibliographie
Gloria Friedmann.- Dijon : Le coin du miroir, 1983.- (Succès du Bedac ; 3) - reprod. et cit.
. Pédagogie / Valérie Dupont et Véronique Verstraete.- Dijon : Frac Bourgogne, 1993 - reprod. p. 14 ; cit. p. 15
. Fonds régional d'art contemporain de Bourgogne : 1984-2000.- Dijon : Frac Bourgogne, 2000
- reprod. p. 179 ; cit. p. 178
. Paysage interrogé, manipulé / J.F. Cassat.- Fontenoy : Centre régional d'art contemporain, 2001
- reprod. p. 36
. Le docteur Olive dans la cuisine avec le revolver (monographies et entretiens 1989 2002) / Eric Troncy.- Dijon : Les presses du réel, 2002.- cit. p. 65
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