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Monory France, Cachan, 2002 .
Jacques Monory La série des vingt-deux Meurtres, commencée en 1968, correspond au moment où il tourne son premier film, Ex-, qui mêle plusieurs types d’images se succédant en un montage rapide. Un photogramme de ce film va servir de point de départ à l’un des tableaux de la série où le peintre se représente en meurtrier solitaire quittant les lieux du crime. L’artiste apparaît régulièrement dans ses oeuvres, tour à tour héros, tueur à gages, victime ou simple témoin. En 1972, il peint les séries Mesures, Dreamtiger, des portraits de son fils Antoine et entreprend l’ensemble des Premiers Numéros du catalogue mondial des images incurables, présenté au CNAC en 1974, où il dénonce l’ordre établi par une critique de la police, de l’armée, de la violence, de l’enfermement ou des relations entre l’art et l’argent. En 1973, il traverse les Etats-Unis en voiture avec son fils. Ce voyage revêt une importance essentielle car le peintre constitue, à partir de photos, un répertoire de formes et d’images où il va puiser pendant de nombreuses années. A partir de 1977, il abandonne la monochromie pour une trichromie bleu, jaune, rose (Technicolor). A la fin des années 1970 et au début des années 1980, Monory se livre volontiers à l’écriture (Diamond Back, roman policier publié en 1979 chez C. Bourgois) ou illustre des ouvrages ou des livres-objets : Eternité, zone tropicale (1976) d’Alain Jouffroy, Récits tremblants (1977), avec Jean-François Lyotard, Rien ne bouge assez vite au bord de la mort (1984) cosigné avec Daniel Pommereulle. Jusqu’en 1980, avec la série Ciel, la représentation de nébuleuses et de galaxies devient son unique thème jusqu’à Ciel n°39, une carte générale du ciel, la dernière de la série qui clôt, en 2005, l’exposition que lui consacre le MacVal à Vitry-sur-Seine. Les constellations sont de retour en 1986, Monory composant une grande installation de peintures de cosmos pour l’ouverture du Planétarium de la Cité des Sciences et de l’Industrie à Paris. En 1982, Monory entreprend la série des 32 Toxique qui seront exposés en 1984 à l’ARC/Musée d’art moderne de le ville de Paris puis en 1986 à la Biennale de Venise. Depuis le milieu des années 1980, l’oeuvre de Monory se poursuit avec de nombreuses séries, en particulier Tanatorolls (1986-87), Métacrime (1989-90), Les éléments du désastre (1993-94), où revient le thème de la mort, puis Baisers (2000-2002), consacrée aux baisers de cinéma, ou récemment Vitrines (2003), inspirée de photographies de vitrines de magasins. Tel un photogramme « gelé » où se mêlent dimensions réelles et fictives, la peinture permet à Monory de condenser le temps et de concilier en un même lieu des espaces hétérogènes. |
post/avant |
Bibliographie sélective
Jacques Monory
3'30''
Texte inédit, sérigraphie originale signée. ed. Jannink 1993
Note de l'éditeur : Peintre figuratif d'un quotidien violent : «Meurtres», «Dreamtiger»... le plus souvent dans des tons bleus. A participé aux «Mythologies Quotidiennes» (64), réalisé des films et écrit plusieurs livres. Expose Galerie Lelong à Paris.
(diffusion Art Point France)
Textes
Jacques Monory voyeur forever.
Jacques Monory utilise des images sorties tout droit de notre quotidien médiatique ou de son album photos personnel. Il les superpose, les juxtapose avant de les plonger dans un grand bain monochrome souvent bleu mais pas seulement. Emprunts photographiques, cadrages cinématographiques, recours à la monochromie déréalisent les figures, les projettent sur l'écran plat de la représentation. Il peint le faux parce que rien n'est vrai et qu'il est un voyeur.
Préoccupé par tout ce qui est humain, Jacques Monory développe son oeuvre par grandes séries de toiles Il opte pour l'artifice de la reproduction et rejette l'illusion réaliste. Ses tableaux sont pareils à de larges corridors dans un rêve éveillé. Ils permettent de circuler entre le réel et l'imaginaire sans que jamais ils ne se fondent dans une seule et même idée.
Catherine Plassart (Art Point France Info mars 2010)
Loin des bavardages
Un rideau de pluie ralentissait ma progression dans la neige. J'avançais prudemment jusque devant le portail du jardin, puis je sonnais et l'on vint m'ouvrir.
Monory buvait un whisky tandis qu'une musique de jazz résonnait dans l'atelier.
- C'est votre apéritif habituel ? dis-je, en souriant
- Naturellement, me répondit-il en acquiesçant du chef.
- Alors, maître ajoutai-je, votre critique sociale, relève-t-elle du combat politique ?
- Je sentis ses poils se redresser sur sa peau...
- Bizarre, mais chaque fois que j'essaye de réfléchir on me refait le coup de l'officier des services spéciaux de la bonne conscience occidentale. Il y aurait trop de gens à éclabousser... Le seul moyen dont je dispose c'est de plonger dans l'iconographie du film noir, ou du polar. Nous vivons une époque explosive, n'est-ce pas !
L'homme n'avait rien d'un pauvre diable. Mais il donnait le sentiment de vivre comme en exil. Prisonnier d'une vieille histoire.
- La richesse des uns engendrerait-elle la pauvreté morale, ou un monde sans compassion ? ajoutai-je.
- Nous sommes tous égaux devant la mort, même les militaires ricana-t-il.
Une heure plus tard je franchissais de nouveau la grille du jardin. Cet homme avait une mission, c'était sûr. Et je me retrouvais sur la route sinistre à évoquer un souvenir déjà froid.
Pierre Givodan (Art Point France Info octobre 2007)
Monographies
2007
Miroirs, collection "Entretiens", photos de Clovis Prévost, Maeght éditeur, Paris
2005
Monory de Pascale Le Thorel, Éditions Paris-Musées, France
2000
Monory de Jean-Christophe Bailly, Édition Ides et Calendes, Suisse
1998
The assassination of experience by painting-Monory, Jean-François Lyotard, préface de Sarah Wilson, Romantiques postmodernes, bilingue anglais/français, Black Dog Publishing, London, Grande Bretagne
1992
Monory de Pierre Tilman, Édition Frédéric Loeb, Paris
1984
L'assassinat de l'expérience par la peinture-Monory, Jean-François Lyotard, Édition Castor Astral, Paris, France
1979
Monory de Jean-Christophe Bailly, Édition Maeght, Paris, France
1972
Monory de Pierre Gaudibert et Alain Jouffroy, Éditions Georges Fall, Paris, France